Qu’est-ce qu’une addiction ?
Avec ou sans substance, les addictions sont devenues un enjeu de santé publique majeur. En effet, en France, 8% des 12 à 75 ans sont ou ont été à risque de consommation excessive d’alcool : 13% sont des hommes et 4% sont des femmes. La prévalence la plus élevée se situe entre 45 et 54 ans.
Selon les estimations du nombre de toxicomanes avancées sur le plan officiel, il y aurait en France entre 150 000 et 300 000 usagers réguliers de substances.
L’addiction est donc une problématique sociétale importante dont il faut s’occuper d’un point de vue thérapeutique, d’autant plus qu’elle est généralement associée à une pathologie psychique comme la dépression et/ou l’anxiété. Ainsi, il est aussi l’affaire des psychologues de prendre en charge les personnes souffrants d’une addiction.
Il existe deux grandes catégories d’addictions :
1. Les addictions aux substances
L’addiction aux substances est un trouble de l’usage d’une substance (une consommation excessive de la substance) pouvant aller jusqu’à l’intoxication, la dépendance à cette substance et donner lieu à un syndrome de sevrage.
Selon le DSM-5 (ouvrage qui répertorie les troubles psychologiques), il existe différents troubles liés à une substance : les troubles liés à l’alcool, les troubles liés à la caféine, les troubles liés au cannabis, les troubles liés aux hallucinogènes, les troubles liés aux substances inhalées, les troubles liés aux opiacés, les troubles liés aux sédatifs, hypnotiques ou anxiolytiques, les troubles liés aux stimulants et les troubles liés au tabac.
Il existe différent type d’usage d’une substance :
– L’usage simple ou à faible risque : qui se définit par une consommation qui peut être sans risque si elle reste modérée.
– L’usage nocif ou abus : qui se concrétise par la présence de dommages physiques, psychiques et sociaux liées à la consommation .
– L’usage avec dépendance : qui se caractérise par la perte de la maîtrise de la consommation.
Concernant l’usage, aucun mode de consommation n’est sans risque. Il n’y a pas de coupure entre la consommation abusive et la dépendance mais un continuum entre les deux.
Différentes croyances chez l’individu sont associées à l’addiction aux substances :
– Les croyances anticipatoires : des attentes positives avec anticipation d’un plaisir : « Je serais mieux après ».
– Les croyances soulageantes : des attentes de réduction du manque ou d’un malaise : « Je suis trop mal, il me faut ma dose ».
– Les croyances permissives : des pensées qui autorisent la consommation : « J’ai bien mérité un petit verre après cette journée de travail bien remplie ».
Dans l’addiction aux substances, nous pouvons aussi définir le terme anglais de craving qui est un désir violent, une envie immodérée, un besoin irrésistible, dévorant et urgent de consommer. Il désigne un phénomène complexe, proche de l’émotion, qui amène à une forte tendance à l’action. Le craving survient le plus en réponse à des stimuli liés à l’alcool, occasionnant des changements biologiques comme une augmentation de la libération du glutamate, neurotransmetteur excitateur.
2. Les addictions comportementales
Tout comme l’addiction aux substances, l’addiction comportementale est une pathologie qui a de nombreuses conséquences. L’individu parvient à se procurer du plaisir et/ou à soulager un malaise intérieur grâce à la pratique d’une activité. Bien souvent, le plaisir dégagé par cette pratique addictive est de courte durée. C’est pourquoi, la personne répète son comportement pour en ressentir de nouveau les effets qu’elle pense positifs. Comme pour la consommation de produits psychoactifs, pour certains comportements, c’est le circuit de la récompense qui dysfonctionne.
On parle d’addiction comportementale lorsque l’individu vit ses différents points :
– Une impossibilité de résister aux impulsions à réaliser un type de comportement ;
– Une sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du comportement ;
– Un plaisir ou un soulagement pendant la durée du comportement ;
– Une sensation de perte de contrôle ;
– La présence d’an moins 5 des 9 critères suivants :
- la préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation ;
- l’intensité et la durée des épisodes plus importantes que souhaitées à l’origine ;
- les tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement ;
- le temps important consacré à préparer le comportement, à l’entreprendre ou à s’en remettre ;
- la survenue plus fréquente du comportement en cas de pression extérieure : lorsque le sujet est confronté à des obligations professionnelles, scolaires, familiales ou sociales ;
- les activités sociales, professionnelles et/ou récréatives majeures sont sacrifiées à cause du comportement ;
- la perpétuation du comportement bien que le sujet sache qu’il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d’ordre social, financier, psychologique ou psychique ;
- la tolérance marquée : le besoin d’augmenter l’intensité et/ou la fréquence du comportement pour obtenir l’effet désiré ;
- l’agitation ou l’irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement.
Les addictions comportementales sont très variées et peuvent concerner différents types d’activités. Des exemples sont l’addiction au travail, l’addiction aux jeux, l’addiction au sport, l’addiction à la nourriture, l’addiction au sexe…
Pour EN SAVOIR PLUS
LIVRE
– American Psychiatric Association, Marc-Antoine CROCQ, Julien-Daniel GUELFIG, Patrice BOYER, Charles-Bernard PULL & Marie-Claire PULL. (2015). DSM-5 – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Elsevier Masson.
SITE INTERNET
– https://tcc.apprendre-la-psychologie.fr/addictions.html
La TCC : un outil pour traiter les addictions
Depuis plusieurs années, le traitement des addictions montre des progrès significatifs, et notamment par le biais des thérapies cognitivo comportementales.
Les TCC s’inscrivent parfaitement dans la prise en charge des conduites addictives. En effet, elles ont confirmé leur efficacité en matière d’aide au sevrage et à la réduction de la consommation.
La TCC s’effectue généralement en individuel. Le thérapeute aide le patient à mettre le doigt sur les pensées et les comportements jouant un rôle dans la persistance de l’addiction et l’accompagne pour adopter d’autres comportements.
Ici, les TCC se concentrent donc sur les pensées du patient et sur la façon dont elles l’influencent quotidiennement. Là où les autres thérapies cherchent à creuser et à analyser les causes profondes et les événements du passé qui ont poussé à l’addiction, les TCC cherchent d’abord à modifier les pensées et donc à changer le comportement qui en découle avant de s’interroger sur leurs origines.
Les TCC s’inscrivent parfaitement dans le traitement des addictions que l’on peut définir en quatre étapes dont l’objectif visé est l’abstinence ou une consommation contrôlée. Pour cela, il faut :
1. S’informer sur son addiction
L’information permet de connaître en amont les effets secondaires afin de limiter le comportement ou la prise de substance. Par exemple, il peut être utile de savoir qu’une consommation excessive d’alcool peut provoquer au bout de quelques mois un état dépressif, que le tabac est plus addictif que les amphétamines et que le cannabis est un fluidifiant du sang, et donc, incompatible avec des anticoagulants. Savoir ce que mon comportement et ce que la substance que je consomme a comme effet sur mon corps et sur ma psyché est donc essentiel.
2. Explorer ses pensées automatiques
C’est à ce moment que les TCC interviennent. Elles aident le patient à prendre conscience de ses pensées automatiques afin de passer à des pensées rationnelles. Ainsi, le patient parvient à prendre du recul sur ses automatismes afin de remettre en question ses schémas de pensées délétères les plus profonds jusqu’à la modification de ces schémas (restructuration cognitive). Pour cela, thérapeute et patient vont tenter d’identifier la cascade de pensées automatiques qui se produit dans les situations propices à la consommation ou au comportement lors de l’addiction.
3. Apprendre à gérer ses envies impulsives
Ici, l’objectif est de développer ses capacités d’auto-observation et de savoir comment réagir face à une envie impulsive. Quelques exemples d’outils dans les TCC permettant de gérer les envies et la consommation dans le cadre des addictions :
Au niveau personnel : on peut apprendre à gérer ses émotions avec la pleine conscience et la relaxation, à gérer ses pensées négatives avec la restructuration cognitive, à reprendre et développer un plan d’activités gratifiantes avec l’activation comportementale et à prendre une décision efficace avec la résolution de problèmes.
Au niveau social : on peut apprendre à refuser une invitation à boire (mise en place de petites scènes et de jeux de rôle avec la planification de réponse-types), renforcer son réseau social (avec de nouvelles personnes aidantes), gérer les problèmes relationnels et faire face aux critiques (avec l’affirmation de soi).
4. Changer son mode de vie
Le sevrage à l’addiction amène souvent à un changement de mode de vie. Ce changement de mode de vie permet de renforcer son sentiment d’efficacité personnelle ainsi que son estime de soi. Afin de réduire les risques de rechute, il faut favoriser le développement d’un réseau social soutenant et encourager la mise en place d’activités plaisantes au quotidien.
En ouverture :
Pour finir, nous pouvons dire qu’accompagner le patient dans le cadre d’une addiction ne consiste pas uniquement à proposer une TCC et de cesser le comportement ou de prendre la substance en question. Pour réussir à sortir pleinement de l’addiction, le thérapeute doit aussi proposer une autre thérapie que la TCC, plus analytique, afin de déterminer ce qui a poussé le patient à consommer et quels comportements renforcent cette dépendance.
Références bibliographiques
https://www.cairn.info/les-therapies-cognitives-et-comportementales–9782130734727-page-53.htm
http://www.psychologues-tcc-paris.com/2015/10/tcc-addiction/
Jérôme PALAZZOLO. (2016). Les thérapies cognitives et comportementales. Que sais-je ?.
Pierluigi Graziani, Lucia ROMO. (2013). Soigner les addictions par les TCC. Elsevier Masson.